mercredi 18 mars 2009

La "cabane au Canada" de Xavier et ses Fils












Massat: la petite république des Pyrénées où s'était réfugié Xavier Fortin

Les policiers de Foix ont dû se faire guider par les gendarmes de Massat pour monter arrêter Xavier Fortin au hameau du Galant vendredi 30 janvier. En fuite depuis 11 ans, il s'y cachait avec ses deux enfants pour ne pas remettre ces derniers à leur mère (cf. Libération et LibéMarseille au 06/02). Comment les trois ont-ils pu échapper aux recherches pendant les quatre ans qu'ils ont passé dans leur cabane à plus de 1000m d'altitude?  Visite à Massat, dans cette «petite république» ariégeoise où il est toujours possible de rêver refaire sa vie.



REPORTAGE. Le lieu, lui, est introuvable, au bout d’une piste de neige et de cailloux perchée derrière la forêt d’Ercé après un col à plus de dix kilomètres du village. Le père et ses deux fils qui s’y abritaient des recherches n’étaient, en revanche, pas introuvables du tout.

«J’ai encore croisé Théo il y a 15 jours dans Massat, dit Manang, 15 ans. Il y faisait des courses». Les 685 Massatois les avaient en fait tous les jours sous le nez: en photo à la rubrique des enfants disparus, affichés au bureau de  poste.

Selon le procureur Antoine Leroy, c’est «une personne anonyme appartenant au monde associatif» qui a poussé la porte du commissariat de police de Foix pour dénoncer leur présence.

«Nous, on a autre chose à faire que de s’occuper de savoir qui est qui,commente un monsieur à chapeau dans le col de Sarraillé. Ils ont jamais fait de conneries, c’est bon, c’est tout».

La maison des Fortin au hameau de Galant. Photo: AFP

Le maire Léon-Pierre Galy-Gasparou dit n’avoir jamais rien su de leur statut de fugitifs, ni rien su d’eux en général, d’ailleurs. Sa secrétaire n’a jamais enregistré une quelconque demande d’aide ou d’allocation venant du père.

Ce dernier n’avait pas de compte bancaire, non plus. L’homme connu de tout le canton comme «Pierrot», Pierre Duchêne, n’était, cela dit, peut-être pas pressé de faire savoir qu’il s’appelait en fait Xavier Fortin. Manu et Théo aussi ont changé de prénom. «Ils étaient bien élevés»: c’est tout ce qui intéresse ce buveur de café à la terrasse ensoleillée du Maril.

Le procureur Leroy ne prendra pas les Massatois à rebrousse-poil : «il ne suffit pas d’avoir une drôle de tête pour subir un contrôle d’identité». Ces recherchés ont pu passer 4 ans ici sans y être inquiétés, dit-il parce qu’il n’y a jamais eu de «délit flagrant» les concernant.

Dans la haute vallée qui s’ouvre à plus de 1000m d’altitude sous le sommet du Mont Valier au-dessus du bourg, une série de huttes et cahutes appelées granges abritent des ânes, des brebis, des poules et des canards. Et leurs propriétaires, qui se chauffent au poêle à bois.

«Là-haut, c’est une petite république», explique joliment Bernard, un infirmier psychiatrique à la retraite. Une république qui fonctionne à la solidarité : celui qui peut débrouiller l’autre ne s’en prive jamais, -«je descends au village, je te ramène quelque chose» ou «je nourris aussi tes bêtes pendant que tu n’es pas là».

La commune de Massat, ce sont des versants de montagne abandonnés où chacun peut venir bricoler sa cabane et sa vie sans que ses voisins ne demandent à voir son permis de construire ni son curriculum. 
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Ces jours derniers, Sylvie préfère dire qu’elle «ne connaî(t) pas Pierrot». Elle ne vit plus là, isolée de tout, qu’avec une chèvre et deux brebis. Elle a vendu le reste des bêtes depuis que son compagnon est «à la retraite». Joseph ne se montre pas, il est malade. Il tousse derrière les murs de planches de son habitation.

Sylvie étend son linge. Cette voisine de Pierrot est arrivée ici «en stop, il y a longtemps». Elle a rêvé d’y bâtir du dur et d’y élever ses enfants. Rien de tout ça ne s’est fait, -«c’est la vie». La vie de ces néo-ruraux, c’est finalement la vie de tout le monde, moins le minimum de confort.

«De quoi est-ce que nous vivons ? rigole Digger l’Anglais, sur le banc qu’il s’est sculpté dans un tronc d’arbre, plus bas vers le col. Comme Pierrot, répond-il :d’élevage et de vente sur les marchés». Digger est moins loquace pour évoquer la vente directe à des bouchers amis. «On n’est pas dans le circuit, s’amuse-t-il. Ça ne rapportera jamais rien, on est fou !»

Ces néo-ruraux accrochés à l’élevage de montagne ou devenus artisan comme Olive ou commerçant bio comme Odile, ont pour la plupart ces «drôles de tête»évoquées par le procureur Leroy.

La périphérie montagnarde de Massat est occupée par ce monde très doux qui a des piercings dans le nez et des cheveux longs remontés en chignon sur le haut du crâne.

C’est en tout cas grâce à eux que la commune est passée de 589 habitants au recensement de 1999 à 685 à celui de 2005. Et que l’école reste ouverte. Le maire Galy-Gasparrou, professeur d’histoire politique à la Sorbonne en convainc toujours quelques-uns d’être de son conseil municipal.

Xavier Fortin alias Pierrot n’avait pas de chignon, selon Manang qui est allé plusieurs fois chez Manu et Théo au hameau de Galant, «même si ça caillait un peu chez eux». Il avait «une queue de cheval». Mais tout ce qui intéresse ce petit blond venu de la Charente, c’est de savoir si ses copains vont ou non revenir «là-haut».

Le procureur Leroy pourrait le rassurer auquel Manu et Théo ont dit leur intention de ne pas changer de vie.

GLv.

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